LA FICHE MATRICULE


Avant de commencer à lire une fiche matricule, il est important de comprendre les différentes étapes incontournables pour un jeune homme de 20 ans.


1. Le service militaire devient obligatoire pour les hommes par une loi en 1798

    • Le recensement :  tous les hommes ayant 20 ans la même année appartiennent à une classe de recrutement, ils sont recensés à la fin de l’année de leur 20 ans.
Par exemple, un homme né en 1885 appartient à la classe 1905, le recensement a lieu vers décembre 1905. Une fiche de renseignements est à compléter par le jeune homme, puis envoyée à la préfecture.

Attention : A partir de 1913, c’est à 19 ans et non 20 ans que sont recensés les  jeunes hommes, voire encore plus jeunes durant les années du conflit de la guerre  1914 – 1918.

    • Le tirage au sort : les hommes sont appelés par ordre alphabétique pour le tirage au sort d’un numéro ;  ce numéro permettra de classer les hommes et de les répartir dans 2 catégories :

        ◦ la première contient les petits numéros dits les « mauvais numéros » : ces hommes feront le service militaire complet (jusqu’à 8 ans selon les années)

        ◦ la deuxième contient les plus gros numéros dits les « bons numéros », ce sont les « chanceux » qui n’exerceront qu’un an de service militaire, voire seront libérés définitivement de toute obligation militaire.

La pratique du tirage au sort a été utilisée de 1804 à 1889.

    • Le conseil de révision, étape obligatoire pour tous les futurs soldats qui partiront au service militaire ; chaque homme devra défiler devant ce conseil de révision qui évaluera les aptitudes physiques et accordera des dispenses ou des exemptions si besoin.

    • Le parcours militaire (durant la 1ère guerre mondiale) :

        ◦ L’armée active (régiments numérotés de 1 à 176) : composée d’hommes « bons pour le service actif » âgés de 21 à 23 ans et des professionnels militaires ; le service est d’une durée de 3 ans ;

        ◦ La réserve de l’armée active (régiments numérotés de 201 à 421) : lorsque sa période d’armée active est terminée, l’homme retourne à sa vie civile ; les réservistes sont âgés de 24 à 33 ans ; cette période dure 11 ans ;

        ◦ L’armée territoriale : organisée pendant la mobilisation sous la forme des régiments avec une numérotation qui lui est propre ; ce sont essentiellement des hommes de 34 à 39 ans qui restent en arrière pour tenir les places ; la durée est de 7 ans ;

        ◦ La réserve de l’armée territoriale est composée d’hommes de 40 à 45 ans, mais très vite elle incorpore des hommes de 46 à 49 ans ; ce sont les gardes de voies de communication( GVC ) et sont chargés de surveiller les voies ferrées et les points importants du littoral.

        ◦ Les hommes dégagés de toute obligation militaire ont parfois presque 50 ans.


2. Le registre matricule


Maintenant que nous savons comment fonctionne le service militaire, nous allons découvrir les registres matricules, source précieuse qui vous permettra d’en savoir plus sur le parcours militaire de votre ancêtre.

Un « registre matricule » est un registre regroupant en général 500 fiches matricules. Chaque soldat a sa fiche matricule qui est enrichie au fur et à mesure de son service.
Par conséquent, une fiche matricule est un résumé de la période passée sous les drapeaux.

En plus des informations purement militaires, c’est une source très utile de renseignements sur d’autres plans :

    • le physique : pouvoir visualiser un ancêtre est toujours intéressant,

    • les lieux de résidence

    • le métier

    • la filiation, notamment lorsque l’acte de naissance est manquant.

Les registres matricules sont consultables aux Archives Départementales en série R ; les registres matricules sont consultables 120 ans après la date de naissance du soldat ou 25 ans après son décès.

Si vous êtes un descendant, vous pouvez consulter la fiche matricule sans délai de communication. De plus, une dérogation générale accorde la libre consultation des registres matricules des classes 1912 à 1921 dans le cadre de la commémoration de la guerre 1914 – 1918.

Comment retrouver la fiche matricule de votre ancêtre ?

    • Calculer la classe de recrutement : Il faut ajouter 20 ans à l’année de naissance, soit …..

    • Trouver le bon bureau de recrutement : Il est fonction du lieu de domicile aux 20 ans de votre ancêtre et non de son lieu de naissance.

    • Rechercher le numéro de matricule dans la table alphabétique :  direction les Archives Départementales en ligne ; attention, toutes les AD sont différentes les unes des autres !

    • A noter : le nom barré en haut de la fiche indique que l’homme est décédé avant la fin théorique de sa période de mobilisation.


3. La fiche matricule d’Eugène Joseph

Je suis une nièce à la 3ème génération d'Eugène Joseph HERBEZ, puisqu’il était l’un des enfants de mon AAgrand-mère maternelle Elisa.

On distingue la situation administrative et le parcours militaire.


1) l’Etat civil

IL s’agit bien d’Eugène Joseph HERBEZ, né le 21 octobre 1885 à Lens, dans le Pas-de-Calais – comme toute la fratrie par ailleurs – fils d’Elisa Tancrez et de Louis François Herbez et par conséquent, frère de mon arrière-grand-père maternel Albert Louis.
Il exerçait la profession de « mineur ».

2) Numéro matricule / Classe de mobilisation

La classe de mobilisation correspond souvent à la classe de recrutement. Mais ce n’est pas le cas dans cet exemple…
Tous les hommes ayant atteint l'âge de 20 ans révolus (ou de 19 ans à partir de 1913) et inscrits sur les tableaux de recensement appartiennent à une même classe de recrutement. Cette classe permet de retrouver la fiche matricule, elle ne change jamais.

Par contre, la classe de mobilisation est la classe avec laquelle marchent les hommes.

Elle est différente de la classe de recrutement pour

    • les hommes qui ont commencé leur service militaire une autre année que celle des autres hommes de leur classe de recrutement,

    • les ajournés (une ou deux années),

    • les engagés volontaires,

    • les exemptés rappelés en cours de guerre.

Après la guerre de 1914-1918, en fonction du nombre d'enfants, de nombreux conscrits changèrent de classe de mobilisation (lois sur le recrutement du 1er avril 1923 et du 31 mars 1928). Cela a pu aboutir à des rectifications sur la fiche matricule;

3) Signalement

Des informations précieuses pour imaginer à quoi ressemblait mon ancêtre, mais surtout, à l’époque, elles permettaient d’identifier les hommes avant l’apparition de la photo.

Outre la caractéristique de la couleur des yeux et des cheveux, je sais qu’il mesurait 1,71m et qu’il était tatoué au bras. Pour ce qui est de la forme du visage, la description est très subjective…..

4) Le degré d’instruction générale tel qu’il était codifié en 1918

Source : BnF – Dispositions générales : volume mis à jour à la date du 20 septembre 1918 / Recrutement de l’armée

    • 0 : ne sait ni lire ni écrire
    • 1 : sait lire seulement
    • 2 : sait lire et écrire
    • 3 : possède une instruction primaire plus développée
    • 4 : a obtenu le brevet de l’enseignement primaire
    • 5 : bachelier, licencié, etc. (avec indication de diplôme)
    • X : dont on n’a pas pu vérifier l’instruction.

Je sais désormais qu’Eugène savait lire et écrire.

5) Tirage au sort / Décision du conseil de révision

Eugène Joseph est classé « bon pour le service » dans la première portion de la liste suite au tirage au sort, il devra donc faire le service complet. Mais il est précisé qu’en 1906, de par l’article 22, il est déclaré « soutien de famille ». (voir article sur Elisa sa mère) ; son père est décédé en 1912, mais peut-être des suites d’une longue maladie qui l’a invalidé pour se rendre au travail ; Eugène était le second de la famille, après mon A.grand-père, mineurs de fond tous les deux.

On verra plus tard qu’il a malgré tout été mobilisé….

J’en déduis qu’il n’a effectué qu’une seule année de service militaire (1905 à 1906) au lieu des 3 régulières. Il passera « réserviste de l’armée active » le 3 décembre 1908 comme mentionné sur le cadre suivant.


6) Détail du parcours militaire

Les cadres suivants détaillent le parcours militaire dans l’armée active, dans l’armée territoriale et dans les réserves. Vous pourrez y découvrir les corps d’affectation ainsi que les dates précises d’incorporation et d’exercices.

Le 2 août 1914, un ordre de mobilisation générale réquisitionne tous les hommes valides ; Eugène Joseph n’y coupera pas !
1914, une bien triste année…. Eugène Joseph partait à la guerre « la fleur au fusil » (?) alors que son petit garçon Louis, né le 14 juillet 1914 décédait le 16 du même mois….

Donc, le 4 août 1914, Eugène Joseph est incorporé au 145ème RI, dans l’armée active.
Il sera fait prisonnier à Maubeuge le 7 septembre 1914 et ne sera libéré que le 8 décembre 1918. Il aura été interné durant 4 années au camp de Senne en Allemagne.

Pour confirmer ces déclarations je recherche l’historique du 145ème régime :

le blog du Chtimiste

Gallica

Forum Pages 14 18


Grâce à une recherche sur Google et au site Prisonniers de guerre 14 18, j’apprends que « Senne » un « camp principal, pour prisonniers de guerre situé en Westphalie, au Sud-est de Münster.
Il existe dans un de ces camps (lequel des trois ?) un comité de secours [existe t'il une section de ce camp qui sert de camp de rapatriement ? (heimkehrlager) et de camp de triage ? (durchganslager)]
L'un ou la totalité des camps de Senne a reçu la visite des délégués Espagnols le 23 Septembre 1916, à cette date, il y a 3.161 prisonniers à l'intérieur du camp, dont 2.665 français, et 7.550 prisonniers répartis dans des détachements de travail, dont 5.516 français. » Il existe bien 3 camps : le Senne I ou Sennelager, le Senne II et le Senne III.


L’Armistice est annoncée le 11 novembre 1918 et prévoit la libération immédiate des prisonniers de guerre. La grande majorité d’entre eux est donc de retour en France entre novembre et décembre 1918.
Le 145ème régiment fut fait prisonnier entièrement parmi les 45 000 combattants de la poche de Maubeuge, les soldats furent soit tués, soit internés dans les camps allemands.

Par conséquent, libéré le 8 décembre 1918, Eugène Joseph incorporera le lendemain le 8ème régiment de Saint Omer pour être ensuite envoyé en congé illimité le 12 avril 1919. IL se retirera au 1 chemin du Hallage à Lens ; ce chemin n’existe plus en tant que tel aujourd'hui ; il été réhabilité au pied d’un terril pour la pratique du trail.

7) Domiciles successifs

Vous pourrez retrouver ici les différentes communes d’habitation avec les dates de déménagement et les adresses précises : très pratique pour un ancêtre dont vous auriez perdu la trace !