Lorsque j’ai commencé la généalogie – il y a fort fort longtemps - l’absence d’armoiries signifiait nécessairement l’absence de descendance noble. Or, depuis, j’ai fait des recherches : les armoiries sont des marques de reconnaissance associées à certaines familles, mais leur absence ne prouve pas qu’une famille n’est pas noble ; de nombreuses familles nobles n’ont d’ailleurs jamais eu d’armoiries ou ont perdu leur droit de les porter au fil du temps.

La noblesse peut être prouvée par d’autres moyens, comme la possession d’un fief, une lettre d’anoblissement obtenue du roi ou bien encore une charge anoblissante acquise sous l’Ancien Régime ; un acte authentique retrouvé dans les actes notariés ou une mention dans des archives historiques peuvent également servir de preuves.

Ces moyens permettent donc de retracer et de confirmer la lignée noble d’une famille. Pour ma part, je n’ai aucune noblesse dans ma famille, ou peut-être « celle du coeur » sait-on jamais ….

Ceci mis à part, j’ai voulu en savoir un peu plus sur l’héraldique et me suis penchée sur l’excellent livre de l’historien-chercheur Michel Pastoureau.

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L'héraldique, souvent désignée comme l'art et la science des armoiries, trouve ses origines dans l'Europe médiévale.
Apparue au XIIe siècle, cette discipline visuelle servait à l'origine à identifier des chevaliers et des nobles sur le champ de bataille ou lors des tournois. Chaque blason, composé de divers éléments symboliques, couleurs, et motifs, racontait une histoire unique et transmettait des informations précieuses sur son porteur, dont le visage était caché par son heaume et le corps recouvert d’une lourde armure.

Si les premières armoiries étaient simples, souvent limitées à quelques couleurs et motifs géométriques, au fil du temps, elles se sont enrichies et complexifiées. La transmission héréditaire des armoiries a ajouté une dimension dynastique, permettant aux familles de préserver et de transmettre leur identité et leur statut au fil des générations.

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Ce très beau livre présente plus de 120 chefs-d'œuvre héraldiques, sur différents supports : boucliers tapisseries, sculptures, peintures, émaux, etc.… ce qui m’a permis de saisir la portée esthétique d'un art totalement méconnu.

En France moderne, le mot « blason » n’est pas l’exact synonyme du mot héraldique. Ce dernier qualifie la science qui a pour objet l’étude des armoiries. Le terme « blason » a un sens plus limité ; il désigne l’ensemble des figures, des couleurs et des règles qui composent les armoiries.

Contrairement aux idées reçues, tout le monde peut posséder des armoiries. Mais depuis la Révolution Française, les rumeurs se sont accordées à croire qu’elles étaient des marques de noblesse.

« Nulle part en Europe occidentale (…) entre le XIIème et le XVIIIème siècle, l’usage des armoiries n’a été réservé par la noblesse. Chaque individu, chaque famille, chaque personne morale, communauté ou institution a toujours été libre d’adopter les armoiries de son choix et d’en faire l’usage privé qui lui plaisait, à la condition de ne pas usurper les armoiries d’autrui. »

Et l’auteur ajoute : « c’est un peu comme la carte de visite d’aujourd’hui : chacun peut en posséder mais tout le monde n’en possède pas. »

Jusqu’au XIIIème siècle, les armoiries restent attachées à un fief et non à une famille ; elles restent un signe de reconnaissance sur les champs de bataille. Elles se transmettent de manière héréditaire. Au XIIème siècle, la « jeune héraldique tire son héritage des sceaux et des monnaies ».

Concernant les villes, dès le XIIIème siècle, elles reprennent comme armoiries celles de leur seigneur, de leur fondateur ou les attributs de leur Saint Patron.

Voici quelques exemples :

    • un ours pour Berne (Bär / Bern)

    • une fleur de lys pour Florence (Flos / Florentia)

    • un lion pour Lyon

    • une roue de moulin pour Mulhouse (Mühle / Mühlhause)

Toutes les armoiries sont soumises aux différentes règles du blason et puisent dans le même répertoire de couleurs et de figures.

Couleurs et règles d’association

L’héraldique n’emploie que 6 couleurs, plus une dernière, citées par ordre de préférence :

L’auteur M. PASTOUREAU précise toutefois qu’il ne suit pas le classement habituel des héraldistes modernes qui qualifient les couleurs d’émaux et les subdivisent en métaux et couleurs proprement dites.

Il est interdit de juxtaposer ou de superposer 2 couleurs d’un même groupe ; l’origine de cette pratique reste inexpliquée. On suppose une meilleure lisibilité….

Une originalité de l’héraldique est à souligner : l’emploi de deux fourrures, le vair (écureuil) et l’hermine, toutes deux bichromes dans leur représentation mais pensées comme monochrome dans leur réalisation ; elles sont l’héritage d’un héraldique primitif.

Si le nombre des couleurs est fixé à 7, le répertoire des figures des figures est ouvert à toute imagination.


Le bestiaire

Le roi du bestiaire reste le lion ; mais l’aigle n’en est pas moins vedette.

Chez les Germains, Celtes ou Slaves, le bestiaire des guerriers s’articule autour de l’ours, le sanglier, le cerf, le loup, l’aigle, le corbeau, le cygne, le cheval, le saumon et le dragon (serpent).

« Qui n’a pas d’armes porte un lion » (Adage du XIIème siècle)

Le lion est paré de toutes les vertus : force, courage, fierté, générosité, justice. Il est le symbole du pouvoir.
Il est souvent représenté de profil ; il peut avoir la tête de face, il se nomme alors « léopard ».

Dans les bestiaires médiévaux, le léopard a la réputation d’être un animal « bâtard », cruel et diabolique.

L’aigle du blason (toujours employé au féminin / une aigle = aquila, en latin) est toujours représentée le corps de face et la tête de profil, avec bec et serres proéminents.

Le corbeau, attribut d’Odin, figure tutélaire, est un oiseau qui sait tout et voit tout. Très tôt, l’Église a déclaré la guerre au corbeau, soulignant son rôle néfaste dans la génèse (Arche de Noé). Sa couleur noire est symbole de mort. Comme l’ours et le sanglier, il est un ennemi du Christ.


La symbolique héraldique

L’héraldique « traditionnelle » s’appuie sur l’héraldique familiale et l’histoire de l’art.

L’héraldique « nouvelle » née dans les années 1960, s’aventure sur le terrain des mentalités et des sensibilités.

« Qui sait identifier des armoiries peut ainsi y lire la place d’un personnage au sein d’une famille, ses différents mariages, parfois ses titres et ses fonctions ; il peut y lire aussi les origines de cette famille, sa situation à l’intérieur d’un lignage, l’histoire de ses alliances et de ses ramifications. Ce faisant, il lui est possible de distinguer des homonymes, d’établir des filiations, de reconstituer des parentés. De même que la généalogie est une science auxiliaire de l’héraldique, de même l’héraldique est depuis longtemps une science auxiliaire de la généalogie ».

Toutefois, le profane est bien incapable de saisir la signification des armoiries – sans explication – car ces dernier ne sont pas des symboles mais des emblèmes.

IL est souvent nécessaire de corréler légende, histoire et couleurs d’une époque, d’une région, d’une classe et/ou d’une catégorie sociale, tout en mettant en valeur des faits culturels et/ou politiques. Beaucoup de constante pour une non-initiée comme moi !

Quoiqu’il en soit, à la fois signes d’identité, marques de possession et éléments décoratifs, les armoiries prennent place sur des supports de toute nature. Et pour les décrire, on utilise « la langue du blason », un langage documentaire, au sens étroit que les linguistes donnent à ce mot.

Si l'héraldique a perdu sa fonction militaire, elle continue de jouer un rôle important dans la culture et les traditions. Les armoiries sont encore utilisées par les familles nobles, les institutions et les municipalités pour symboliser leur histoire et leur identité.

Les sociétés héraldiques et les chercheurs poursuivent l'étude et la conservation de cet héritage, garantissant que cette forme d'expression artistique et historique demeure vivante et respectée.